Mettre son cerveau sur pause

Mettre son cerveau sur pause : plus facile à dire qu'à faire

Rédigé par Éliane Cantin.

Il y a quelques années, quand je travaillais encore comme fonctionnaire au gouvernement fédéral, je me suis trouvé une passion. C’était un grand jour puisque jamais je n’avais été autant stimulée par un sujet en particulier : la photo.

Mon travail m’ennuyait, mais je me rabattais sur le fait qu’à la fin de la journée, je pourrais pratiquer ma passion. Dans mes temps libres, je suivais une pléthore de cours en ligne pour m’améliorer et demandais à mon entourage de lui croquer le portrait. Mes soirées passaient vite. On ne voit pas le temps passer quand on est passionné. 

Jusqu’au jour où je me suis dit que la vie était trop courte pour passer mes journées à ne pas faire ce que j’aimais. J’ai quitté mon emploi — et les conditions dorées qui viennent avec — pour me lancer à mon compte. J’ai lancé ma petite agence de communication créative (Lundi Agence créative) et ai déniché plusieurs contrats. 

Malheureusement, le conte de fées fut de courte durée. Je me suis rapidement sentie dépassée par les demandes et mon besoin de plaire à tout le monde. Après quelques mois seulement, j’étais brûlée et ne savais plus où donner de la tête. 

Ma tendance à tout intellectualiser m’a fait faire des recherches sur l’épuisement professionnel et sur les moyens de recharger mes batteries. La conclusion était sans appel : il fallait que je prenne du temps pour moi et que je passe mes soirées et fins de semaine à faire autre chose que travailler. 

J’ai pris des vacances seule. Quoi de plus approprié que de méditer devant la mer quand on est épuisé ? Ma seule règle était la suivante : pratiquer le Dolce far niente, soit l’art de ne rien faire.  

Le résultat a été pour le moins décevant : j’ai passé mes journées à ruminer et mes pensées ont pris le contrôle de mes vacances, et de mon repos. Je suis revenue à la maison avec le sentiment désagréable d’être encore plus fatiguée qu’à mon départ. 

J’en suis venue à la conclusion que ne rien faire - absolument rien - était un art compliqué et que je n’avais pas l'habileté à le pratiquer.

Mais alors, comment occuper mes temps libres et recharger mes batteries si je ne pouvais ni travailler ni ne rien faire? 

Balados, lectures et diverses consultations plus tard (ma psychologue, pour tout vous dire), j’en suis venue à la conclusion suivante : je devais trouver des activités qui me reconnecteraient à mon ressenti et qui me feraient sortir de ma tête. 

Ça n’a pas été facile, et ma recherche continue au moment d’écrire ces lignes, mais j’ai trouvé quelques activités qui me permettent de mettre mon cerveau au repos. Les voici : jouer à des jeux de société, cuisiner, lire des romans, marcher, m’entraîner, socialiser, aller au cinéma, aller dans l’eau. 

Ce sont des activités qui me reconnectent à mon corps OU qui sollicitent mon attention sur une tâche en particulier. Quand je les pratique, mes pensées (souvent intrusives) deviennent secondaires. Elles ne sont plus la priorité. 

Drôlement, ces activités parfois demandantes me donnent de l’énergie. 

Ce n’était donc pas le travail en tant que tel qui m’épuisait. Mais mes pensées qui me disaient (notamment) que j’étais une impostrice, que ce que je faisais était mauvais et qui m’exigeaient à apprendre toujours quelque chose de nouveau pour prouver que je valais quelque chose. 

Nous sommes plus qu'une passion ou qu'un travail.

Arrêtons de vouloir tout le temps servir à quelque chose. D’être bon·ne·s dans tout. Passons du temps à faire des choses qui nous permettent de mettre notre cerveau sur pause, que nous y soyons doué·e·s ou pas. 

Mes prochaines vacances seront peut-être à la mer, mais au lieu de méditer toute la journée devant la plage, je crois bien m’initier à des cours de plongée. 

Réapprenons à jouer pour le plaisir de jouer. 

Illustration : Florence Rivest